A Kobe, rien n'est touché,
si on n'allume pas la télé, la vie pourrait ressembler à celle qu'elle était vendredi 11 mars 2011 avant 15h00.
Même à cette heure précise, nous étions, Anzu et moi, assises autour de la table basse, à faire un puzzle.
Le seul bruit, la seule vibration furent ceux de mon téléphone portable sur le tapis,
Hiro qui écrit: じしん だいじょうぶ
(tremblement de terre ça va?)
On n'avait rien senti.
Quel immeuble vieux mais solide, ce shataku...
On continue le puzzle.
Et puis, préparer le repas, prendre la douche, le téléphone a sonné, longtemps, il ne s'arrêtait jamais.
Ma soeur était affolée, et en lui parlant j'ai commencé à voir des images irréelles par internet.
Cela me faisait bizarre. Tsunami gigantesque, tremblement de terre 8.9, des secousses, des feux, des coupures de tout, électricité, gaz, téléphone, mais pourquoi on n'a rien senti nous???
Hiro regarde la télé, le compte des corps qu'on retrouve, les alertes qui clignotent, beaucoup de rouge sur la côte, des listes entières de noms de villages qu'on évacue, des rapports d'experts, des schémas de réacteurs nucléaires, des chiffres, des listes, des gens qui prennent le micro, des instructions, safety,
on allume la télé mais on éteint la lumière.
Des bougies pour consommer moins, parce qu'on suit les instructions, parce qu'on sait même pas quoi faire d'autre.
Il faut éteindre la télé. Ca consomme trop d'électricité.
Et ça rend fou, les gens qui cherchent leur famille, leur maison, les trains qui tombent dans l'eau, les avalanches.
Les tsunamis sont féroces, ils ne sont pas seulement là pour ensevelir et détruire, ils arrachent aussi et déplacent, ils étouffent, assomment, noient, perdent les corps, et puis ils en laissent qui meurent de froid, qui n'ont rien à manger, pas de lumière, pas de chaleur, dans des zones encore en hiver, avec la neige...
2 comments:
Untitled - on enregistre ici les répliques du tsunami dans les média, dans les photos, dans internet, à la radio, on regarde la carte en silence, des pensées à Kobe même si je ne me suis jamais déplacé plus loin que ce que je pensais être déjà un bout du monde, et les répliques on écoute, on pense à là-bas.
P.
Merci P., c'est toujours bon de lire vos lignes, merci encore.
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